samedi 9 janvier 2010

Les Fleurs du Mal







UNE CHAROGNE

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beaux matin d'été si doux:
Au détour d'un sentier d'une charogne infâme
sur un lit de cailloux,

Les jambes en l'air comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Où s'élançait en pétillant;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

-Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!

Oui! Telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! Dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés!


Les Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire
Connaissez-vous la très belle édition de Diane de Selliers?
Illustrée par la peinture symboliste et décadente du XIXem siècle...

                                                                                           

6 commentaires:

  1. bien joué!Ca se mele bien les uns aux autres.Et l'impression de fleurs qui se termine en fleur est bien reussi!!c'est efficace!!
    et en plus j'<3 Baudelaire!

    RépondreSupprimer
  2. Merci Fanette! Et as tu reconnu la femme qui se cache derrière la tête de mort?

    RépondreSupprimer
  3. bizarre, mon commentaire n'a pas été enregistré ! je trouve l'illustration de ce poème saisissante; et merci de nous le rappeler avec cette superbe photo de BB dans le repos du Guerrier , je crois !
    biethch

    RépondreSupprimer
  4. C'est effectivement Brigitte Bardot! Merci beaucoup Christiane! :)

    RépondreSupprimer
  5. eh!!mais j'ai pas eu le temps de le dire!!j'etais pas aller voir els comm.....allez un autre test!!!
    ;)

    RépondreSupprimer
  6. "Sic: Cette réalité impensable on peut la dépasser"

    je n'en suis pas l'auteur mais ça m'a plu c'est encourageant micheline

    RépondreSupprimer